Figure historique du nationalisme algérien, membre du groupe des neuf à l’origine du déclenchement de la Révolution, l’un des pionniers du front pour une diplomatie de libération et initiateur de l’opposition après l’indépendance, Hocine Ait Ahmed qui a tiré sa révérence, hier, à l’âge de 89 ans, fut sans conteste l’homme au combat pluriel.
Dda El Hocine, comme il plait aux militants du Front des forces socialistes (FFS), première force d’opposition créée par ce militant politique infatigable aux lendemains de l’indépendance, eut un éveil précoce au nationalisme. C’était au sein du Parti du peuple algérien (PPA), créé par Messali Hadj, grande figure emblématique du nationalisme algérien, qu’il fait son apprentissage des valeurs de la liberté et de la dignité humaine, des valeurs qu’il ne quittera jamais et qui forgèrent son parcours riche de personnalité politique respectée.
Ayant participé à la création de l’Organisation spéciale (OS), véritable pépinière de militants nationalistes initiés aux techniques de la guérilla, qui vont ensuite encadrer les katibates de l’Armée de libération nationale (ALN), Hocine Ait Ahmed, ne tardera à montrer ses capacités d’organisateur, alors qu’il venait d’entamer ses vingt ans.
Un lycéen à la dimension de chef politique
Il ne tardera pas à afficher un caractère de chef politique, alors qu’il était encore au lycée de Ben Aknoun, aux côtés d’autres militants nationalistes qui vont marquer le combat pour l’indépendance de l’Algérien, dont entre autres, Omar Oussedik, Benaï Ouali, Amar Ould Hamouda, Chibane Saïd et Idir Ait-Amrane.
Il succéda à Mohamed Belouizdad à la tête de l’OS, une organisation dont il fut l’organisateur par excellence et le véritable chef d’Etat-major, car, il fut à l’origine du prospectus de formation militaire distribué à l’ensemble des activistes de cette organisation paramilitaire.
Il va se faire remarquer très vite, lors de la réunion du Comité central du PPA, en 1948, à Zeddine (près de Chlef). Sa Contribution écrite, fruit d’une réflexion mûre sur la stratégie de lutte que devait emprunter le PPA, trahissait déjà le destin national qui attendait ce jeune âgé, alors, de 22 ans, qui fut parsemé de nombreuses embûches, dont la plus célèbre est celle de la crise dite “berbériste” de 1949.
Ses péripéties avec son parti ne vont pas entamer la volonté de ce montagnard d’Ain El Hammam, en haute Kabylie, dont le caractère fut forgé dans l’adversité et qui fit l’apprentissage du nationalisme auprès des figures emblématiques du combat pour l’indépendance du pays.
Jusqu’à ce jour et 53 ans après l’indépendance, des historiens continuent à révéler plusieurs aspects méconnus du combat de Hocine Ait Ahmed pour sa patrie, dont le périple asiatique qu’il avait initié en 1953, pour créer des comités de soutien à l’autodétermination de l’Algérie, notamment, dans le sillage des sa participation à la première conférence des partis socialistes asiatiques à Rangoon en Birmanie.
Membre du Groupe des neuf ayant été à l’origine du déclenchement de la guerre de libération nationaliste, lorsqu’il était au Caire, en compagnie de Mohamed Khider et d’Ahmed Ben Bella, Il conduira la délégation du Front de libération national (FLN) à la conférence de Bandung en 1955.
L’inscription de la question algérienne à l’ordre du jour de cette conférence historique fut arrachée par Ait Ahmed auprès du président Sokarno, après une intense activité ayant duré des semaines avant l’ouverture des travaux de cet évènement marquant du mouvement des non-alignés, annonçant ainsi l’ouverture du front diplomatique pour l’autodétermination de l’Algérie.
Il fut également le premier représentant du FLN auprès de l’Organisation des Nations-Unies (ONU). L’infatigable combattant de la cause nationale redoublera de ses efforts pour tenter, en compagnie de M’hamed Yazid, de convaincre la communauté internationale de la légitimité de la lutte du peuple algérien pour l’indépendance.
Les faits d’armes de ce combattant nationaliste infatigable ne s’arrêtent pas là, car, il fut de sa prison, en compagnie de Ben Bella, Khider, Boudiaf et Lachraf, d’une grande utilité à la direction de la Révolution, lorsqu’il lui avait inspiré, affirme Reda Malek, la création du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), le 19 septembre 1958.
Convictions de combattant, le militantisme se poursuit
Cet homme aux convictions trempées dans le combat pour la liberté et l’indépendance, un combat d’une rare violence, âpre et intense qui attirera l’admiration du monde entier, restera fidèle toute sa vie aux idéaux qui l’habitait depuis sa jeunesse.
Son combat se poursuivra après l’indépendance, en s’opposant frontalement au système du parti unique. Il fut le premier à ouvrir le chemin de l’opposition à d’autres figures de la lutte pour l’indépendance nationale, ce qui le conduira à la création du FFS (septembre 1963) pour défendre des convictions démocratiques.
Même quand il prenait des positions, dont certaines furent controversées, à l’image de son opposition à l’arrêt du processus électoral ou sa participation active au contrat de Rome (janvier 1995) pour la réconciliation nationale, ce résistant de la première heure demeure, respecté pour la régularité de sa démarche politique, demeure, aussi, la personnalité politique de l’opposition la plus connue à l’étranger.
De la résistance à l’opposition, Hocine Ait Ahmed a largement marqué le siècle passé, par son combat nationaliste entamé dès les années 1940 et sa lutte pour la démocratie et le respect des droits de l’Homme initiée dès l’indépendance, dans la douleur et la violence certes, mais, qui avait suggéré une autre voie pour l’Algérie indépendante. L’homme au combat pluriel s’en va à l’âge de 89 ans après avoir marqué amplement son époque.