duLe rôle de précurseur des valeurs universelles, associées souvent à la civilisation occidentale, ont valu à l’humaniste Emir Abdelkader une notoriété mondiale et une reconnaissance sans cesse renouvelée, après plus d’un siècle de son décès, a affirmé mercredi à l’APS la secrétaire générale de la Fondation Emir Abdelkader, Zohour Assia Boutaleb.
“L’Emir Abdelkader, fondateur de l’Etat algérien contemporain, était un résistant chevaleresque à l’invasion coloniale, mais aussi et surtout un grand savant, croyant, fondateur du dialogue inter-religieux, soufi, poète et pionnier du droit humanitaire et des droits de l’homme”, a déclaré Mme Zohour, précisant que ces valeurs lui ont valu des témoignages d’intérêt et reconnaissances sans cesse renouvelés.
En effet, l’Emir Abdelkader, qui a combattu le colonisateur français pendant 17 ans (à partir de 1832 alors qu’il n’avait que 24 ans), a pris l’initiative de rédiger un règlement dans lequel il imposa à ses soldats le respect absolu des prisonniers français, et ceci bien avant les conventions modernes relatives au droit humanitaire qui datent de 1949, a-t-elle affirmé, à l’occasion de la commémoration du décès de l’Emir Abdelkader (26 mai 1883).
Les valeurs d’humanisme qu’incarnait l’Emir Abdelkader ont ainsi été reconnues par les plus grands dignitaires et hommes d’Etat de cette époque à l’image du président Abraham Lincoln, de la Reine Victoria, de Napoléon III, du Sultan Abdulmejid 1 et du Tsar Alexandre II, qui lui ont décerné des décorations et autres honneurs.
Des hommages appuyés ont été également rendus à l’Emir par des hommes de lettres comme Rimbaud, Victor Hugo, Robert Browning et William Trackeray pour sa pensée et ses actions humanitaires avant même la fondation du mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.
Sa notoriété et son humanisme avant-coureur notamment ont valu à l’Emir qu’une ville de l’état de l’Iowa aux Etats-Unis d’Amérique porte son nom, comme aussi des places et des avenues, de Mexico à l’île de la Réunion, d’Alger à Paris, d’Amboise à Bordeaux, à Pau, à Caracas, à Damas et Brousse.
Mme Boutaleb a rappelé, en outre, qu’Henri Dunant, considéré comme le fondateur, en 1863, du mouvement de la Croix-Rouge internationale, s’est aussi référé à l’humanisme qu’incarnait l’Emir Abdelkader dans une correspondance.
“Ainsi, on a coutume d’associer l’émergence du droit humanitaire avec la création de la Croix-Rouge par Henry Dunant en 1863. On oublie cependant que ce dernier, qui a fait de longs séjours en Algérie, n’a pu ignorer que dès 1843, l’Emir a fait adopter à un congrès de 300 dirigeants de la résistance, en pleine guerre, son code pour la protection des prisonniers”, a-t-elle relevé.
Ce code révolutionnaire a interdit la torture et les mauvais traitements et banni l’exécution des prisonniers français désarmés. Les prisonniers de guerre devaient, ainsi, être traités avec humanité, quelle que soient leur religion ou leur nationalité.
“De même, on a tendance à associer l’initiative de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 aux occidentaux, mais on ne se remémore pas toujours le fait que ce concept fut institué, neuf décennies plus tôt (en 1860), par l’Emir Abdelkader quand il était en exil en Syrie pour sauver les minorités chrétiennes (plus de 12000 personnes), vouées à une extermination certaine, lors des évènements de Damas”, a-t-elle fait observer.
Mme Boutaleb a cité, à ce propos, des observateurs étrangers qui demandèrent à l’Emir pourquoi il avait pris de tels risques pour sauver des chrétiens, alors que c’était aussi des chrétiens qui avaient envahi et mis à feu et à sang son pays l’Algérie.
L’Emir a répondu qu’il avait combattu les troupes françaises 17 années durant, non pas parce qu’elles étaient chrétiennes, mais du fait qu’elles avaient envahi son pays. Quant aux sauvetages des chrétiens en Syrie, il s’était simplement conformé aux enseignements de l’islam, et avait agi dans le respect des droits de l’humanité.
Natif de Mascara (6 septembre 1808), l’Emir Abdelkader est le troisième enfant de Mahieddine, chef de la confrérie de la Quadiriyya, qui a lui-même combattu les troupes françaises dès leurs premières incursions dans l’Ouest algérien en 1831.
Il apprend les sciences religieuses, la langue et la littérature arabe, les mathématiques, l’astronomie, l’histoire et la philosophie. Platon, Aristote, Al-Ghazali, Ibn Rochd (Averroès) et Ibn Khaldoun lui sont familiers. Il est âgé de 24 ans lorsqu’il est présenté par son père, le 27 novembre 1832, aux tribus Hachem Beni-Amer.
Proclamé Emir, il sera “le Commandeur des croyants”, ce qui lui a conféré un pouvoir temporel et une autorité spirituelle. Commence alors pour lui une longue période marquée par son combat contre l’occupant.
Source APS