La pièce “De nos frères blessés”, de Joseph Andras, et mise scène par Fabrice Henry, présentée lundi soir au théâtre Abdelmalek Bouguermouh, au 3ème jour du Festival international du théâtre de Bejaia, a ému jusqu’aux larmes tant elle était poignante et son récit bouleversant.
L’histoire, qui met à jour le parcours héroïque mais singulier de Fernand Iveton, un travailleur algérien d’origine française foncièrement engagé dans le combat de libération nationale, qu’il a dû payer de sa vie ayant été sauvagement torturé, condamné à mort à l’issue d’un simulacre de procès, puis guillotiné en 1957, a secoué et ébranlé tout le public, pourtant habitué à entendre des faits de guerre invraisemblables.
Iveton, la trentaine non révolue, a été arrêté à Belcourt (Alger) pour avoir caché et déposé une bombe dans son lieu de travail. Un engin, toutefois, qui n’a jamais explosé ni tué quiconque ayant été dissimulé dans un endroit où il ne pouvait faire de victimes, son objectif n’étant autre que celui d’éveiller les consciences et d’attirer l’attention sur les massacres d’Algériens.
Pour autant, son geste a été interprété comme un “acte terroriste”. A ce titre, Iveton a été traité comme “un rebelle, un traître, un félon, un blanc vendu aux crouilles”. La demande de grâce introduite auprès des autorités françaises, notamment de François Mitterand, alors ministre de l’Intérieur, ultérieurement devenu président et artisan, en 1982, de la loi sur l’abolition de la peine de mort, a été rejetée.
Pour mettre en scène ce drame, Fabrice Henri s’est contenté, hormis quelques passages romancés, de reproduire fidèlement le livre de Joseph Andras, récipiendaire du prix Goncourt du “1er roman”, en 2016, qu’il a, du reste, refusé d’accepter.
Le metteur en scène à fait la part belle à la narration, laissée à l’apanage de 04 comédiens d’exception (François Copin, Clémentine Haro, Vincent Poudroux et Thomas Résende), qui ont magnifié le texte original en le déclamant avec une émotion et un réalisme époustouflants.
En fait, son succès, au-delà de la performance des acteurs, doit beaucoup également à la technique scénographique utilisée, empruntant surtout au théâtre actif, qui associe acteurs et spectateurs dans une dynamique partagée d’écoute et d’engagement. Plusieurs spectateurs ont ainsi été conviés à lire des passages de lettres d’Iveton à sa femme, ou à camper sur scène quelques rôles de condamnés à mort sur le point de passer sous la lame de la guillotine, sur fond d’un chant révolutionnaire “Min djibalina”, entonné collectivement.
Un spectacle singulier, original, bien servi par les comédiens et surtout par la qualité et la puissance du texte, que d’aucuns qualifient de chef-d’œuvre.
Source APS