La procession “Rakb” de Sidi Cheikh, un rituel annuel dédié au saint patron de cette région, est toute une tradition ancrée dans les esprits des populations de la wilaya d’El Bayadh et de wilayas voisines.
Une occasion pour Labiodh Sidi cheikh de se rappeler aux bons souvenirs de cette personnalité religieuse soufie dont elle porte le nom, de se remémorer ses qualités et permettre aux nouvelles générations d’être
baignés de son aura et de s’inspirer de ses bonnes actions. Ce symbole, intrinsèquement lié à cette localité et qui constitue, aujourd’hui, le patrimoine culturel de cette région des Hauts plateaux, doit être
revalorisé et sauvegardé.
Labiodh Sidi Cheikh, commune située au sud-ouest de la wilaya d’El Bayadh, continue à perpétuer cette procession qu’on appelle aussi “waâda” qui aura lieu demain mercredi.
Une waâda, mais aussi un point de ralliement qui verra un flux important de visiteurs du pays et de l’étranger pour redonner vie à ce rituel ancré dans l’histoire de la région et remémorer le Cheikh, de son vrai nom Sidi Abdelkader Ben Mohamed Ben Slimane Ben Abi Smaha, né dans les environs de la région d’Arbaouet, à une vingtaine de kilomètres du chef-lieu de daira de Labiodh Sidi Cheikh.
C’est dans les environs de Chellala, dans la wilaya d’El Bayadh, qu’a vécu Sidi Cheikh (1533-1616), connu comme étant le fondateur de la confrérie (tariqa) cheikhia, selon des sources historiques.
Maâzouz Boubekeur, spécialiste en histoire et patrimoine de la région et chercheur en soufisme, souligne que Sidi Cheikh, un grand soufi dont se targue de l’appeler les habitants de Labiodh Sidi Cheikh et d’El Bayadh en général, faisait partie des Ulémas du soufisme les plus en vue. Il fut le fondateur de la zaouia et de la tariqa “cheikhia” qui compte plusieurs adeptes aussi bien en Algérie qu’à l’étranger.
“Tout au long de sa vie, il était une référence pour ceux qui désiraient apprendre les Sciences religieuses. On venait de partout pour s’abreuver en Savoir et pour acquérir le secret des valeurs morales et spirituelles du cheikh”
Sidi Cheikh est connu également pour son djihad et pour sa résistance contre le colonialisme espagnol durant les conquêtes dans la région d’Oran les 16e et 17e siècles. Vénéré et respecté de tous, notamment par ses disciples, pour avoir réussi à allier religion, science, djihad et soufisme, Sidi Cheikh est reconnu surtout pour sa notoriété, en témoignent les visites des populations avant sa mort.
Son mausolée dans la ville de Labiodh Sidi Cheikh est devenu un lieu de ralliement des populations qui viennent de l’intérieur comme de l’extérieur du pays chaque année pour revisiter son œuvre. Outre la récitation du Coran, connue sous l’appellation de “Selka”, les mouridine de la tariqa chekhia psalmodient, en chœur , pendant toute une nuit, des madihs et des qacidate (un récital de son œuvre poétique “El Yaqouta”.
Des conférences portant sur des thèmes religieux seront organisés. A l’occasion de cet évènement festif, des repas seront servis aux invités.
Cette occasion permettra également de calmer et aplanir les différends entre les familles.
Les jeux équestres “Fantasia”, exhibitions de la cavalerie, sont annoncés à l’occasion de cette waâda classée patrimoine culturel immatériel universel par l’UNESCO en 2013.
L’authenticité du “Rakb” de Labiodh Sidi Cheikh remonte dans le temps, selon la même source. Cette procession est un rassemblement annuel des populations “Stiten”, une localité située à près de 35 kilomètres au sud-est de la ville d’El Bayadh, affluant en masse et de loin avec leurs bagages et montures pour commémorer la mort du Cheikh .
Il s’agit d’un cortège funéraire exceptionnel, selon certaines sources qui considèrent que ce saint-patron est décédé à Stiten succombant à des blessures dans une bataille contre l’occupant espagnol, à l’époque, livrée sur les côtes oranaises.
Sidi Cheikh se rendit chez l’une des tribus de la région de Stiten avant de tirer sa révérence chez eux en l’an 1025 de l’hégire, laissant derrière lui un testament où il émit le voeu d’être enterré à Labiodh Sidi Cheikh.
Il a fallu trois jours de marche au grand cortège funéraire pour rallier Labiodh Sidi Cheikh, depuis Stiten jusqu’à “Sidi Cheikh” où il fut enterré en présence de quelque 350 disciples. La région s’appelait avant sa mort, “Labiodh” pour devenir ensuite Labiodh sidi cheikh, a-t-on évoqué.
D’autres sources historiques estiment que cette procession a un rapport avec une histoire qui s’est produite durant la vie du fondateur de la zaouia cheikhia, connu chez les populations locales de “l’homme malade”.
D’après une légende, cet homme, issu de la région de Stiten, avait une place de choix chez les habitants de la région. Il était affecté d’une maladie difficile à guérir dans le temps. C’est pour cela, qu’il était venu
à Sidi Cheikh car il disait s’il se rétablirait de sa maladie, il fera une offrande qui sera réitérée chaque année, a-t-on raconté.
D’après la légende, cet homme qui s’était rétabli de sa maladie avait tenu sa promesse et c’est comme ça que le terme Rakb est venu. Une fête, “Rakb Stiten”, lui a été dédiée par les habitants de sa région, véritable procession de majestueux cavaliers, mais aussi de mulets chargés de provisions, se dirige vers le mausolée de Sidi Cheikh chaque année en signe de reconnaissance et pour consolider les liens entre les populations.
Ce rituel s’est prolongé jusqu’après sa mort, selon le chercheur Maâzouz Aboubakr, de même que l’organisation de la cavalerie et la Fantasia et baptême de baroud au grand bonheur des visiteurs, qui se rassemblent tout autour de la cour adjacente du mausolée, pour apprécier les us et coutumes
de la région et se délecter des tableaux riches en couleurs et de l’ambiance colorée de cet évènement où se mêlent liesse et bombance.
Ce rendez-vous annuelle accueille près de 10.000 visiteurs, selon les organisateurs, sur fond de spectacles de cavalerie, de fantasia et de baroud, connu chez les habitants de la région “El Alfa” où les cavaliers,
soit plus de 400, viennent de différentes wilayas du pays pour donner un ton particulier à cet évènement annuel.
Les jeux équestres sont accompagnés de rencontres poétiques en Melhoun, animés par des cavaliers qui racontent l’histoire et le riche patrimoine de cette région au milieu des visiteurs à “El Ferraa”,
une cour adjacente à la zaouia et au mausolée de sidi Cheikh.
Au programme de cette fête, de trois jours, figurent, en bonne place, des conférences au niveau du centre culturel islamique de Labiodh Sidi Cheikh portant sur l’aspect historique et spirituel de la tariqa cheikhia, animées par des enseignants universitaires et des cheikh de zaouias.
A cette occasion, Il est prévu l’organisation d’une exposition de photos historiques sur la résistance de cheikh Bouâmama contre l’occupation coloniale française, en plus d’une exposition sur l’habit traditionnel des mouridine (adeptes) de cette tariqa soufie, selon le président de l’antenne du centre culturel islamique, Djamel Mahi.